• à la ronde  

     

    je

    tire à moi cette ficelle

    qui

    friselise et ribambelle

    je

    l'entortille et m'y attelle

    pour

    une saison mi figue mi sel

     

    je

    n'ai pas trouvé d'hirondelle

    ni

    de citron ni citronnelle

    rien

    de nouveau dans la gamelle

    juste

    un peu d'eau à la margelle

     

    un

    espoir gonfla l'escarcelle

    et

    en trois tours de manivelle

    je

    pris ma part d'irrationnel

    dans

    le puits noir et ses kyrrielles

     

    un

    secret de polichinelle

    vint

    s'accrocher à ma crécelle

    je

    pris sa clé confidentielle

    pour

    ouvrir la porte du ciel

     

    mais

    j'oubliais l'intemporel

    à

    trop tirer sur ma ficelle

    ce

    qui fut d'ordre existentiel

    c'est

    bien ma chute textuelle

     

     

     

    andrée wizem

     

    .......................

    la musique est déjà là

     

     

     

    Samedi 22 Juin 2013 

    Texte écrit à partir de la consigne: utiliser les mots "clé" et/ou "ronde"


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  • 3 - Courant d'air.

     

    Il n'avait pas mis les pieds sur terre que tout recommençait. Il regardait l'alignement parfait de ses orteils en deux obliques formant le chapiteau qu'il avait égyptien. Il se perchait sur son mât et le grand horizon de sa journée lui ouvrait le passage.

    C'est qu'il gardait à l'oreille une chanson de pleine lune où tourbillonnait de la mousse dorée.

    Entre les va et vient de la brosse à dents qui massaient ses gencives, il cherchait le début de la ritournelle. Dans le verre d'eau, il voyait le kaléidoscope en fragments biseautés, bijou de pacotille qu'il se plaisait à faire tournoyer, à l'extrême forage du souvenir.

    Puis venaient les ablutions rituelles et les effets du miroir où se perdaient quotidiennement la mélodie.

    Cherchant son habit du jour, dans les doublures dont il vérifiait les coutures, il reprenait péniblement le fil. C'est ainsi que s'acharnaient des figures sur des partitions aux lignes brisées et tombaient, en éclats de cristal, des bulles à peine nées d'un souffle de verrier.

    Dans un grésillement de gramophone, lui revenait, à son corps défendant, des notes graves échappant à un pavillon tonitruant, ouvert comme la corolle d'une fleur étrangère. Il s'empressait d'en dessiner les contours et d'en croquer l'épaisseur charnue, malgré les éraflures imprimées à son tympan.

    Il avalait en quelques gorgées une boisson énergisante, faisait quelques bouchées d'une part de nourriture terrestre, puis vaquait, dans le désordre de ces réminiscences musicales, à la mise en oeuvre de ses premiers pas.

    Il lui arrivait de procéder à des collages sonores, sorte de magma composite fait de bris de voix, sans parvenir toutefois à ce tableau oscillant entre patios familiaux, terrasses à touristes et chambres habitées , ou bien même spectacles de foire et virées de jeunesse, déformant à souhait la mélodie qui en était la couleur.

    A l'instant de se chausser, il observait les contorsions de sa gorge pour retrouver l'accent de cette langue d'où émergeait cette air d'amourette, décliné dans toutes les tonalités, et collectionnait les tentatives pour en extraire le timbre exact.

    Au seuil de la nuit, retrouvant la chanson du c.d. oublié en mode repeat, il saisit qu'un courant d'air, au petit matin, avait refermé la porte, gardant, à son insu, la clé de l'autre côté.

    Encore un acte manqué, se dit il, résigné à demeurer hors de lui même. Alors, il rebroussa chemin et partit en quête d'un bar noyé de musique où il choisirait une bière blanche, espérant y rencontrer une de ces nouvelles spécialistes des instruments à vent.

    Et à sa grande surprise, il se mit à chanter un air connu.

     

    Andrée Wizem

     

    Samedi 30 Juin 2012

    Texte écrit à partir de la consigne: utiliser le mot "c.d."


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  • 1 - Rebond en marge du canal de la Durance.


    Bien sûr, les berges au cordeau lui allaient comme un gant, bien près du corps, étirées comme mues de serpents, flot d'écailles vernies pour peausserie de confort.
    Mais, à peine avait-il mis les pieds sur le revêtement de gore souple et blanc, répandu comme un ruban, que ce qui déboulait était d'une autre nature.

    Cela venait de loin. Il en pressentait l'approche avec le flair des animaux à l'heure des tremblements de terre. Le torrent n'avait jamais charrié autant de boues, de roches, de branches arrachées. Le lit se livrait à de terribles débordements. C'était un épandage tumultueux, fait de l'irruption éhontée de trombes d'eaux, de barricades en bataille sous le boutoir des fûts de bois, de galopantes écumes ensauvagées par la pente et de tonnerres de dieux en geyser.
    Ce jour-là fut un jour de déluge. Il fallait que le monde s'en souvienne.

    Dans un lâcher prise de fin de résistance, les cascades de toutes les montagnes affluaient, en cataractes, comme aspirées par le goulot de la vallée ouverte. Le carnage des maisons emportées, le labourage effroyable des arbres, les amas monstrueux creusant le passage aux glaciers, tout se fracassait et fondait dans un gigantesque capharnaüm.

    Surnageant à la cacophonie des images, il plongeait, sans crier gare, dans la baie du lac qui signait la fin magistrale d'un tortueux périple. A fleur d'eau, il composait des yeux la succession des baignades inaccessibles et pointait du regard des voiles de bateaux, immobilisés, sous une brise inconsistante.

    A partir de là, l'histoire lui échappait. Il avait beau faire des incursions dans les criques, reprendre l'amorce des sentiers abruptes, la géographie civilisée l'avait rendu analphabète. Plus aucune musique concrète ne venait soutenir ses tentatives.
    Il n'osait se laisser aller à dériver, craignant le grand saut du barrage. Car, ce qui en précédait l'arc immense était l'étendue d'un bleu métallique et froid où l'inertie avait la profondeur des catastrophes.

    Pour fuir l'insistante présence du cirque de béton, où s'accumule la charge incommensurable de l'amont, il se laissait enserrer par la marge étroite et claire des eaux domptées de la Durance, et la haie  libre, qui s'était accommodée de la lumière des Alpes et de la frugalité des sols. Les berges du canal était son chemin quotidien.

    Il s'essayait à la nonchalance, dans des gestes artistiques de lanceur de caillou. A chaque rebond s'amenuisant sur l'eau, il surprenait la fugacité de ses pensées.
    Parfois, pour en apprivoiser la quintessence, il suivait le bouchon au bout d'une ligne, et, dans le frétillement d'un poisson, remis à flot par compassion, il reprenait son cours, vacillant, entre deux eaux.

    Andrée Wizem

     

    Samedi 14 Janvier 2012.

    Texte écrit à partir de la consigne :  utiliser les mots "canal" et "rebond"


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