• Carnet en exergue 3bis...

    3 - Courant d'air.

     

    Il n'avait pas mis les pieds sur terre que tout recommençait. Il regardait l'alignement parfait de ses orteils en deux obliques formant le chapiteau qu'il avait égyptien. Il se perchait sur son mât et le grand horizon de sa journée lui ouvrait le passage.

    C'est qu'il gardait à l'oreille une chanson de pleine lune où tourbillonnait de la mousse dorée.

    Entre les va et vient de la brosse à dents qui massaient ses gencives, il cherchait le début de la ritournelle. Dans le verre d'eau, il voyait le kaléidoscope en fragments biseautés, bijou de pacotille qu'il se plaisait à faire tournoyer, à l'extrême forage du souvenir.

    Puis venaient les ablutions rituelles et les effets du miroir où se perdaient quotidiennement la mélodie.

    Cherchant son habit du jour, dans les doublures dont il vérifiait les coutures, il reprenait péniblement le fil. C'est ainsi que s'acharnaient des figures sur des partitions aux lignes brisées et tombaient, en éclats de cristal, des bulles à peine nées d'un souffle de verrier.

    Dans un grésillement de gramophone, lui revenait, à son corps défendant, des notes graves échappant à un pavillon tonitruant, ouvert comme la corolle d'une fleur étrangère. Il s'empressait d'en dessiner les contours et d'en croquer l'épaisseur charnue, malgré les éraflures imprimées à son tympan.

    Il avalait en quelques gorgées une boisson énergisante, faisait quelques bouchées d'une part de nourriture terrestre, puis vaquait, dans le désordre de ces réminiscences musicales, à la mise en oeuvre de ses premiers pas.

    Il lui arrivait de procéder à des collages sonores, sorte de magma composite fait de bris de voix, sans parvenir toutefois à ce tableau oscillant entre patios familiaux, terrasses à touristes et chambres habitées , ou bien même spectacles de foire et virées de jeunesse, déformant à souhait la mélodie qui en était la couleur.

    A l'instant de se chausser, il observait les contorsions de sa gorge pour retrouver l'accent de cette langue d'où émergeait cette air d'amourette, décliné dans toutes les tonalités, et collectionnait les tentatives pour en extraire le timbre exact.

    Au seuil de la nuit, retrouvant la chanson du c.d. oublié en mode repeat, il saisit qu'un courant d'air, au petit matin, avait refermé la porte, gardant, à son insu, la clé de l'autre côté.

    Encore un acte manqué, se dit il, résigné à demeurer hors de lui même. Alors, il rebroussa chemin et partit en quête d'un bar noyé de musique où il choisirait une bière blanche, espérant y rencontrer une de ces nouvelles spécialistes des instruments à vent.

    Et à sa grande surprise, il se mit à chanter un air connu.

     

    Andrée Wizem

     

    Samedi 30 Juin 2012

    Texte écrit à partir de la consigne: utiliser le mot "c.d."

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