itinéraire

tu pourrais avoir si peur
des chiens au long des chemins
que tu longeras le mur sans fin
du cimetière de campagne

malgré l'interdiction de bifurquer
tu choisiras la grande route sans éclairage
où les voitures pourraient te faucher
au mépris des vers luisants

andrée wizem

cheval blanc

le bassin résonne
des meuglements de vaches rousses
dans le tintement des pots de lait

une chorégraphie toute campagnarde
fait danser la robe au trot d'une foulée délurée

c'est à la nuit sans étoile
 que s'évanouit la silhouette
d'un lourd cheval de trait

andrée wizem

premier âge

petite chaise basse
pour y reposer les pieds fatigués
où l'album est resté

plongée du regard dans celui d'une panthère

du haut de l'arbre
reflets violets de la fourrure
accents luisants des pupilles jaunes

contournement de la pensée pour envisager l'histoire

l'enfant noir
attend que cesse le tournis du fauve encerclant le tronc
pour récolter la terre tartinée de karité fondu

andrée wizem

coriace

dans le miroitement des feuilles de tilleul
sur le sol pavé de galets sonores

les élastiques
lancés aux poules
par des garnements

vers de terre étirés
entre les pattes aux ergots dressés
et les becs acérés

revenant
comme le boomerang
dans un éclat de rire

andrée wizem

violette du cap

le peigne d'écaille brun
démêle les cheveux gris
dévitalisés

il s'agit de couper court
à hauteur du col

les barrettes plates
marquent le creux d'une ondulation
naturelle

le corsage est bleu
le dimanche

andrée wizem

chromo

les hirondelles dénichaient
 un abri  sous tous les toits

elles se perchaient même
en haut du poste à galène

les boues et la paille étaient là
les branches d'un cerisier en fleurs aussi

le ciel n'était pas oublié
mais pas de mur pour accrocher l'image

andrée wizem

sainfoin

luzerne sensible aux piétinements
à contourner impérativement

champ de fleurs coupées
mastiquées par des ruminants
baptisés de couleurs

graines germées au vinaigre balsamique
tendres pousses dans nos salades

andrée wizem

côté cour

jardin au cordeau
à la couleur sombre
alourdi de fumier frais

mélongines de perse
cultivées à genoux sur le tabouret de bois

la conversation tourne autour
des variétés nouvelles de tomates
aux saveurs plus douces

andrée wizem

corne d'abondance

la meule en pierre inerte
côtoie la parcelle bordée de clôtures

à pied d'oeuvre sous le chapeau
le vaste parfum de framboise
gagne son goût acidulé
cerné de vert cru

velouté enfoui dans la bouche

incipit
les fruits sont destinés
à la transformation
pour les desserts d'hiver

andrée wizem

bourdons des champs

le chaume hérissé
engendre les grimaces

alignés
du plus grand au plus petit
ouvrant les bras
pour faire l'avion

la bouche sucrée de confiture
notre vol bourdonne
comme celui des insectes trop lourds

andrée wizem